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Gynécologie

Hypertension artérielle et grossesse : ce que nous disent nos experts !

Le Dr Jean-François Renucci ambassadeur expert d’Agir pour le Cœur des Femmes, médecin vasculaire au CHU de la Timone à Marseille, nous fait un commentaire éclairé de cette nouvelle publication parue dans la revue américaine « Hypertension » sur la prise en charge de l’hypertension artérielle au cours de la grossesse.

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Il s’agit bien d’un sujet majeur de prévention et de santé publique, l'hypertension artérielle (HTA) est encore l'un des principaux facteurs de risque majeur et modifiable des maladies cardiovasculaires (MCV). Chez la femme, la grossesse peut être une situation à risque spécifique de développer une HTA par un trouble de la fabrication du placenta. Chez les femmes déjà suivies pour une HTA, le souhait de grossesse impose de modifier certains traitements antihypertenseurs contre indiqués avec la grossesse et leur HTA est un facteur de risque identifié de trouble de la placentation justifiant une surveillance étroite de leur grossesse.
Que nous apprennent les auteurs de cette publication ?
Épidémiologie américaine
Parmi les femmes en âge de procréer, aux États-Unis, l'HTA concerne 13 % des 20 à 34 ans et 30% des 35 à 44 ans. En dehors de la grossesse, le contrôle de la pression artérielle est très faible avec seulement 16 % des femmes ayant une PA systolique (PAS) < 130 mm Hg et une PA diastolique (PAD) < 80 mm Hg.
Au cours des dix dernières années, la fréquence de l'HTA pendant la grossesse a presque doublé avec des disparités entre les ethnies et les régions. Alors que 20 % des femmes n'ont pas fait vérifier leur PA au cours de l'année écoulée, elle est systématiquement évaluée chez 98 % des femmes enceintes.

Les conséquences durant la grossesse et ensuite
Les élévations de la PA sont particulièrement préoccupantes pendant la grossesse étant donné le risque plus élevé pour la patiente de développer des complications rénales (pré éclampsie) et cérébrales avec la crise d’éclampsie qui est une urgence hypertensive absolue. Les conséquences sont graves aussi pour l’enfant avec une morbidité et une mortalité fœtale et périnatale non négligeables. À distance de l’accouchement, ces femmes ont un risque plus élevé de MCV et de rester hypertendues.

La grossesse : une période propice pour le diagnostic
La grossesse est une occasion importante d'identifier l'HTA et d’initier une prévention des MCV tout au long de la vie. L’article s’appuie sur les recommandations américaines et européennes en vigueur pour le diagnostic et la prise en charge de l’HTA pendant la grossesse. Diagnostic qui n’est pas fondamentalement différent, sauf en ce qui concerne la recherche d’une cause qui sera en général envisagée ultérieurement, alors que pour la prise en charge de l'HTA pendant la grossesse, on indique les traitements à utiliser et ceux contre-indiqués, pour éviter une issue défavorable.

Diagnostic et objectifs
L'hypertension artérielle pendant la grossesse, en accord également avec l'American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG), est définie comme une pression artérielle ≥ 140 mm Hg pour la systolique et/ou 90 mm Hg pour diastolique avant la grossesse ou, compte tenu du fait que de nombreuses femmes ne consultent qu'une fois enceintes, avant 20 semaines de gestation ou bien par l'utilisation de médicaments antihypertenseurs avant la grossesse.
Il est recommandé que la pression artérielle chez les femmes souffrant d'hypertension non compliquée soit maintenue entre 120 - 130 et 70 - 80 mm Hg.
Prise en charge : Modification du mode de vie
Il a été démontré que des modifications du mode de vie telles que la réduction du sodium, et la diminution du poids améliorent le contrôle de la pression artérielle chez de nombreuses personnes non enceintes. Ces mesures sont raisonnablement conseillées pour ces femmes enceintes ; toutefois étant donné la nécessité d'augmenter le volume de sang pendant la grossesse, la restriction stricte du sodium n'est pas recommandée alors que la réduction de poids est proposée chez les femmes en surpoids/obèses souffrant d'hypertension chronique avant leur grossesse.
Il existe des changements physiologiques de la pression artérielle pendant la grossesse. Chez les femmes normotendues qui débutent une grossesse, on observe généralement une diminution de la pression artérielle vers la fin du premier trimestre, diminution secondaire à la vasodilatation marquée qui se produit malgré l'augmentation du volume plasmatique qui accompagne la grossesse. La pression artérielle chute généralement de 5 à 10 mm Hg et reste à ce niveau inférieur tout au long de la grossesse jusqu'au troisième trimestre, moment où elle remonte pour revenir aux valeurs d'avant la grossesse. Pour la majorité des femmes souffrant d'hypertension chronique, les changements de pression artérielle suivent également ce même schéma. Ces changements physiologiques peuvent masquer le diagnostic d'hypertension chronique lorsqu'une femme se présente pour la première fois au deuxième trimestre une fois que la diminution physiologique s'est produite. Dans de tels cas, l'augmentation des valeurs d'avant la grossesse au troisième trimestre peut suggérer une hypertension dite gestationnelle. Ce sont quand les pressions artérielles élevées persistent au-delà de 12 semaines après l'accouchement que le diagnostic correct d'hypertension chronique est reconnu.

Prise en charge : Les médicaments antihypertenseurs
En raison de la crainte d'affecter la perfusion du placenta par une diminution trop importante de la pression artérielle maternelle, le traitement antihypertenseur peut et doit être réduit chez de nombreuses femmes.
Contrairement aux personnes non enceintes souffrant d'hypertension pour lesquelles on dispose de données solides, il n'existe peu d'études pour guider le choix d'un traitement antihypertenseur pendant la grossesse. Par conséquent, bon nombre des données sur l'utilisation des antihypertenseurs pendant la grossesse proviennent de revues de la littérature de « méta-analyses » et de petites études rétrospectives.
La majorité des études comparent un antihypertenseur à l'absence de traitement et l'attribution n'a généralement pas été effectuée au hasard.
La Food and Drug Administration (FDA) fournit une classification des médicaments pendant la grossesse en fonction du niveau des données disponibles pour soutenir l’absence de nocivité.
Classe A : aucun risque fœtal
Classe B : les études chez l'animal n'indiquent aucun risque fœtal, mais il n'existe pas d'études adéquates chez la femme enceinte
Classe C : les études animales ont montré un effet indésirable sur le fœtus mais aucune étude adéquate chez l'homme
Classe D : preuve d'un risque pour le fœtus humain, mais les avantages l'emportent sur les inconvénients.
En raison de ce manque d’études, aucun antihypertenseur n'est classé dans la classe A.
Les antihypertenseurs couramment utilisés pendant la grossesse sont classés en classe B : α-méthyldopa ou en classe C : β-bloquants, inhibiteur calcique et diurétiques thiazidiques. Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC) sont considérés comme de classe C au premier trimestre et de classe D aux deuxième et troisième trimestres.
L'α-méthyldopa, (ALDOMET) à la différence du traitement de l’hypertension artérielle habituelle est considéré comme le médicament de première ligne par de nombreuses recommandations sur la base de la grande quantité de données de sécurité résultant de son utilisation pendant la grossesse depuis les années 1960. Il n'a été noté aucun effet indésirable sur le développement jusqu'à l'âge de 7,5 ans. Cependant, L'α-méthyldopa, peut ne pas être bien tolérée par les femmes en raison de l'effet secondaire courant qu’est la somnolence.
Parmi les béta-bloquants, le labétalol (TRANDATE) est aussi un traitement de première ligne pour les femmes qui ont besoin de médicaments pendant la grossesse.
Les IEC et les inhibiteurs des récepteurs de l'angiotensine sont contre-indiqués pendant les deuxième et troisième trimestres de la grossesse en raison d'effets indésirables sur le fœtus, et il existe une controverse quant à savoir si les IEC sont sûrs au cours du premier trimestre et sont donc déconseillés.
En France, et en Europe, il est aussi autorisé d’utiliser la Nicardipine, inbibiteur calcique ,(site du CRAT.fr et recommandations européennes et de la société française d’HTA.

En conclusion :
La grossesse est une période importante pour diagnostiquer l’HTA chez une femme. Bien que la majorité des femmes souffrant d'HTA chronique puissent avoir une grossesse sans problème, les grossesses chez ces femmes présentent un risque accru de prééclampsie, de retard de croissance fœtale, d'accouchement précoce et de césarienne. Les femmes doivent être informées de ces risques avant la grossesse et suivies pour le développement potentiel de ces complications pendant la grossesse. Ainsi, la grossesse chez les femmes hypertendues doit être soigneusement planifiée et gérée par une collaboration entre obstétriciens et médecins spécialistes de l’HTA. Une fois identifiée, elle doit être une cible modifiable pour une prévention cardio-vasculaire pour la grossesse elle-même pour optimiser la santé de la mère et du nouveau-né et tout au long de la vie avec un suivi régulier pour la santé des femmes souffrant d'hypertension artérielle.


Référence :
Cameron N. A.et al : Chronic hypertension in pregnancy: A lens into cardiovascular disease risk and prevention Hypertension. 2023;80:1162–1170.


 
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