Les maladies cardio-vasculaires représentent un fardeau mondial en raison du nombre élevé de décès et d’invalidités qu’elles entraînent. L’hypertension artérielle est un de ses principaux facteurs de risque. Elle est même le 1er facteur de risque de l’accident vasculaire cérébral et de l’insuffisance cardiaque. Il y donc un intérêt majeur pour le patient et aussi en termes de santé publique pour qu’elle soit prise en charge correctement avec des chiffres contrôlés (pression artérielle < 140/90 mm Hg en consultation et < 135/85 mm Hg en automesure) pour limiter notablement le nombre de ses complications.
Récemment, la presse spécialisée puis grand public s’est fait l’écho d’une technique : la dénervation rénale qui pourrait nettement améliorer la situation voire traiter définitivement l’hypertension artérielle en neutralisant les nerfs sympathiques situés sur les artères des reins. Certains messages allant jusqu’à laisser entendre que l’on pourrait guérir l’hypertension artérielle : « une opération et plus de médicaments »
C’est très séduisant : mais qu’en est est t’il réellement ?
Le système nerveux sympathique
Le rôle essentiel du système nerveux sympathique dans la régulation de la pression artérielle est connu depuis longtemps et dès les années 1920, il a été proposé des traitements chirurgicaux pour couper les nerfs sympathiques chez les patients atteints d’hypertension artérielle sévère, technique réalisée aussi quelquefois pour les atteintes sévères des artères des membres inférieurs et tombée en désuétude.
Le système sympathique est un élément du système nerveux qui accélère le cœur et provoque la contraction des artères. Le neutraliser au niveau des reins permet aux artères de retrouver un diamètre normal et joue également sur l’élimination du sel.
La dénervation rénale moderne
Il y a une quinzaine d’années, est apparue une nouvelle technique : la dénervation rénale réalisé par voie endovasculaire, c’est-à-dire en intervenant non pas chirurgicalement mais en passant à l’intérieur des artères pour « détruire » ces fibres sympathiques.
Après quelques résultats encourageants, les scientifiques se sont rendus compte que c’était peu satisfaisant et la technique a quasiment été abandonnée.
Puis sont arrivés de nouveaux matériels avec des techniques différentes (radiofréquence, ultrasons ou même de l’alcool) et de nouvelles études concluantes ont apporté de façon concordante la preuve de l'efficacité et de la sécurité de la dénervation rénale .
Sur la base de ces résultats, l’agence américaine (Food and Drugs Administration) et en France la Haute Autorité de Santé ont approuvé en 2023 et 2024 l’utilisation de la dénervation rénale par radiofréquence et ultrasons comme thérapeutique additionnelle dans la prise en charge de l’hypertension artérielle sévère non contrôlée.
La dénervation rénale par cathéter endovasculaire est donc un traitement non-médicamenteux visant à faire baisser durablement (pendant plusieurs années) la pression artérielle. Cette procédure actuellement reconnue par la Haute Autorité de Santé et les Sociétés Savantes, est recommandée comme traitement additionnel pour les personnes ayant une hypertension artérielle insuffisamment contrôlée malgré plusieurs médicaments.
Ce n’est pas un médicament supplémentaire, mais une procédure interventionnelle qui consiste à interrompre l’activité électrique des nerfs destinés aux reins.
Elle est proposée en traitement complémentaire aux médicaments pour l’hypertension non contrôlée.
En pratique, comment se fait une dénervation rénale ?
La dénervation rénale est réalisée sous une anesthésie générale courte car la procédure est douloureuse.
Des sondes spéciales sont introduites par l’artère fémorale au niveau de l’aine pour aller jusque dans les artères rénales. Ces sondes délivrent un courant électrique de faible intensité ou des ultrasons qui vont interrompre les fibres nerveuses sans abîmer la structure de l’artère.
La procédure dure environ une heure et l’ensemble du matériel est retiré avec un pansement qui comprime le point où l’artère fémorale a été ponctionnée et le patient est surveillé jusqu'au lendemain matin à l'hôpital ; le retour à domicile peut avoir lieu après 48 heures d’hospitalisation.
On peut donner une petite dose d’aspirine (75 à 100 mg) pendant un mois après la procédure.
Les médicaments antihypertenseurs sont maintenus, y compris le jour de l'intervention, sauf contre-indication anesthésique et maintenus à la sortie puis ajustés lors du suivi par le médecin. La tolérance et la sécurité sont très bonnes.
La dénervation rénale est-elle efficace pour faire baisser la tension ?
Selon les études la dénervation rénale abaisse la pression artérielle systolique d’environ 8 mm Hg avec de meilleurs résultats chez les sujets de moins de 60 ans dont les artères sont plus souples.
La technique permet donc de réduire la tension artérielle d’environ 10 mm Hg, c’est-à-dire par exemple de « passer de 160 à 150 mm Hg ». C’est l’équivalent de l’effet D’UN SEUL médicament que l’on pourra supprimer passant ainsi de 4 à … 3 mais les chiffres seront contrôlés.
La guérison annoncée semble donc illusoire. Une des explications est probablement que l’on arrive un peu tard après des années d’évolution de la maladie hypertensive avec déjà un retentissement d’autant plus notable que l’hypertension était sévère et mal contrôlée. Le retentissement entre autres sur les artères en leur faisant perdre leur souplesse fait que la maladie est fixée et on ne pourra plus avoir des chiffres normaux sans traitement.
Après la publication du consensus d’experts internationaux et les Recommandations de la Société Européenne d’Hypertension Artérielle de 2023, un groupe d'experts de la Société Française d’Hypertension Artérielle ont publié en septembre 2024 le nouveau consensus sur l'utilisation appropriée de la dénervation rénale dans la prise en charge de l'hypertension artérielle de l’adulte.
Pour quels hypertendus ?
Les patients doivent avoir :
- Une hypertension artérielle résistante au traitement, résistance confirmée par une mesure ambulatoire sur 24 heures malgré un traitement par au moins quatre antihypertenseurs (3 pour les recommandations européennes) avec les médicaments adaptés, dont un diurétique thiazidique ou apparenté, administrés à la dose maximale.
- Une anatomie des artères rénales permettant de réaliser l’intervention et l’absence de calcifications importantes de l’aorte abdominale et des artères rénales.
- Un fonctionnement des reins encore « correct ».
- Pas d’hypertension artérielle secondaire, c’est-à-dire avec une cause mise en évidence par un bilan approprié (comme par exemple l’excès de sécrétion d’une hormone : l’aldostérone).
- Avoir été informé le patient du rapport bénéfice/risque et en tenant compte de ses préférences.
- Après une discussion dans un centre spécialisé dans la prise en charge de l’hypertension artérielle : Centre d'Excellence Européen (il en existe une dizaine en France).
Pour l’Europe, deux cas particuliers (qui peuvent prêter à discussion) :
Une hypertension artérielle non-contrôlée non avec une « non-observance » sévère au traitement antihypertenseur. Environ la moitié des patients apparemment résistants ne prennent pas au moins l'un des antihypertenseurs prescrit
Une intolérance aux traitements antihypertenseurs entraînant une altération de la qualité de vie
En France, la Haute Autorité de Santé vient de donner un avis sur cette intervention en indiquant le cadre de son remboursement [2] :
L’indication est :
“Dénervation rénale par ultrasons, par voie vasculaire transcutanée : patients hypertendus non contrôlés malgré un traitement bien conduit incluant au moins une quadrithérapie antihypertensive selon les recommandations en vigueur et en l’absence d’hypertension artérielle secondaire identifiée.
L’indication doit être validée par des Centres d’Excellence en Hypertension Artérielle qui se répartissent sur tout le territoire en France qui sont passés par le processus de validation de la Société Européenne d’Hypertension (ESH)”.
C’est uniquement dans ces conditions que l’intervention sera prise en charge par l’Assurance Maladie.
En conclusion :
Actuellement, le cadre réglementaire réserve l’intervention globalement aux cas les plus graves pour lesquels le traitement médicamenteux maximum s’avère insuffisant.
C’est le cas dans de nombreuses pathologies où l’on est sur le traitement de « dernier recours », le but étant clairement d’en limiter la réalisation.
Et si on prenait le problème sous un autre angle, exactement inverse : les sujets jeunes où relativement jeunes dont l’hypertension artérielle vient juste de s’installer avec des chiffres peu élevés accessibles en grande partie à des modifications du mode de vie : réduction de la consommation de sel et d’alcool, perte de poids, et activité physique régulière. Chez ces jeunes patients, l’hypertension n’a pas encore créé de dégât, les artères sont parfaitement souples, sans plaque de cholestérol et ils vont être « embêtés » par la prise d’un traitement. Si une intervention qui, a de très bonnes chances de réussir, leur évitait un traitement, ce serait alors une hypertension artérielle « guérie » avec un fort bénéfice pour ce patient (mais qui continuera à être surveillé) et pour les coûts médicaux. C’est peut-être une piste de réflexion à envisager…
Références :
[1] Pathak A. et al. Dénervation rénale par cathéter dans le traitement de l'hypertension artérielle : consensus d'experts au nom de la Société française d'hypertension artérielle. Arch Cardiovasc Dis. 2024 Sep 12:S1875-2136.
[2] Haute Autorité de Santé : Avis n° 2024.0011/AC/SED du 18 janvier 2024.
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