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Gynécologie

Risque de maladies cardiovasculaires selon le type de THM : analyse à partir des données de registres suédois

Le Professeur Geneviève PLU-BUREAU et le Dr Brigitte RACCAH-TEBEKA, respectivement administratrice et ambassadrice experte d’Agir pour le Cœur des Femmes font le point dans Gyneco Online sur les pathologies cardiovasculaires qui représentent la première cause de mortalité chez la femme ménopausée. Ces maladies sont de nature artérielle (infarctus du myocarde, coronaropathie, accident vasculaire cérébral ischémique) ou veineuse (thrombose profonde sur différents territoires veineux ou embolie pulmonaire).

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La transition ménopausique s’accompagne pour la majorité des femmes d’un syndrome climatérique invalidant avec notamment des bouffées vasomotrices parfois très gênantes. Les différents traitements hormonaux de ménopause (THM) constituent les thérapeutiques les plus efficaces pour soulager ces symptômes. Ils associent, chez les femmes non hystérectomisées, un estrogène à un progestatif (ou la progestérone). L’estrogène utilisé peut-être un estrogène conjugué équin ou de l’estradiol, administré par voie orale ou transdermique. Enfin, la Tibolone a fait la preuve de son efficacité pour réduire les bouffées vasomotrices et peut donc aussi être utilisée.

Cependant, très peu de femmes ménopausées (probablement symptomatiques) utilisent un THM (actuellement seulement 6% des femmes ménopausées en France). Ceci vient du fait que le plus important essai randomisé, l’étude WHI, avait montré une balance bénéfice risque peu favorable au THM utilisé (estrogènes conjugués équins associés à l’acétate de médroxyprogestérone ou estrogène conjugué équin seul chez les femmes hystérectomisées). Cet essai a fait l’objet de nombreuses discussions arguant du fait, notamment, que les femmes recrutées étaient âgées (moyenne 63 ans) et bien à distance du début de la ménopause (timing hypothesis).



L’objectif de cette étude épidémiologique, effectuée à partir de registres suédois, est d’analyser les risques cardiovasculaires artériels et veineux associés à l’utilisation de différents types de THM en début de ménopause.

La population de cette étude provient donc des différents registres suédois (statistiques nationales de base, pathologies vasculaires, cancers, causes de décès, traitements prescrits). La méthodologie utilise la simulation d’un essai « emulated target trial » recrutant sur des périodes de 2 ans les femmes entrant dans la période ménopausique. Cette étude analysait ainsi 919 614 femmes âgées de 50 à 58 ans entre juillet 2007 et décembre 2018 n’ayant pas utilisé de THM dans les deux années précédant leur recrutement dans l’étude, suivies pour une période de 2 ans. Ainsi, 138 « essais » emboités ont permis de comparer les femmes qui initiaient pendant cette période un des six THM analysés (THM : voie orale-combinée continue, voie orale-combinée séquentielle, estrogène oral seul, estrogène oral combiné au DIU lévonorgestrel, tibolone, voie transdermique combiné, voie transdermique estrogène seul) versus les femmes n’initiant pas de THM pendant la même période.

Les risques relatifs et leur intervalle de confiance ont été estimés pour les évènements veineux (MVTE), les maladies cardiaques ischémiques, les accidents vasculaires cérébraux ischémiques (AVC), les infarctus du myocarde (IDM) et l’ensemble des évènements vasculaires cités ci-dessus.

La méthodologie simulant un essai, deux types de risques sont calculés : en intention de traiter et per protocole.



La confirmation de la neutralité de la voie transdermique, voire des bénéfices cardiovasculaires, chez les femmes en post-ménopause immédiate

Pendant la période de l’étude, 77 512 femmes ont débuté un THM (8,4%) tandis que 842 102 étaient non utilisatrices. 24 089 femmes ont eu un évènement vasculaire d’intérêt durant la période de suivi : 10 360 (43.0%) une pathologie ischémique cardiaque, 4098 (17.0%) un AVC, 4312 (17.9%) un IDM et 9196 (38.2%) un évènement veineux.

Deux points sont importants à souligner pour analyser les résultats de cette étude.

- Entre 2007 et 2020, les auteurs ont observé une réduction significative de plus de 50% des maladies cardiovasculaires chez les femmes âgées de 50 à 58 ans. Cette réduction est principalement en rapport avec la diminution des maladies ischémiques cardiaques chutant de 22,2 pour 10 000 femmes en 2007 à 11,8 en 2020. Par contre, l’incidence des maladies veineuses thromboemboliques reste stable avec une incidence de 14,5 pour 10 000 femmes en 2007 et 13,9 en 2020.

- Le THM initié le plus fréquemment a été l’estrogénothérapie combinée utilisée par voie orale en continu représentant 1/3 de toutes les initiations de traitement. L’estradiol utilisée par voie transdermique était le second THM le plus initié (1/5 de toutes les initiations). Durant la période de suivi, les auteurs observent une augmentation de 50% de cette utilisation avec en parallèle une diminution de 50% des utilisations d’estrogénothérapie orale et de Tibolone.

Comparées aux femmes non initiatrices de THM, les femmes initiant un THM étaient légèrement plus jeunes (moyenne d’âge 53,0 versus 53,9), avaient un niveau d’éducation plus élevé, résidaient plus fréquemment dans une région urbaine (39,8% versus 32,3%), achetaient plus de traitement pour les pathologies cardiaques (13,5% versus 10,7%) ou pour l’hypertension (29,7% versus 27,0%), mais elles avaient moins de prescriptions pour le diabète (5,8% versus 7,8%).

Quand toutes les données étaient poolées (l’ensemble des “essais” de durée de 2 ans), aboutissant à un total de 154 433 personnes années, il était observé 664 évènements parmi les femmes initiant un traitement conduisant à une incidence de 4,37 pour 1000 personnes-années versus 3,56 /1000 personnes années chez les femmes non initiatrices.

En intention de traiter, la Tibolone était associée à une augmentation significative du risque de pathologies cardiovasculaires (hazard ratio 1,52 IC à 95% ; 1,11 – 2,08), de pathologies ischémiques cardiaques (1,46 ; 1,00 – 2,14) comparée aux femmes non initiatrices. Le THM oral-combiné était associé à une augmentation du risque de pathologies ischémiques cardiaques (1,21 ; 1,00 – 1,46).

Concernant le risque de MVTE, le THM oral-combiné continu était associé à une augmentation du risque (1,61 : 1,35 – 1,92), ainsi que le THM oral-combiné séquentiel (2,00 ; 1,61 – 2,49) et le THM estrogène seul oral (1,57 ; 1,02 – 2,44), mais pas la Tibolone.

L’analyse per-protocole monte une augmentation significative du risque d’AVC (1,97 ; 1,02 – 3,78) et d’IDM (1,94 ; 1,01 – 3,73) chez les utilisatrices de Tibolone

L’utilisation d’estrogène par voie transdermique combiné est associée à une diminution du risque de maladies cardiovasculaires et d’IDM (per protocole) et une neutralité pour les autres évènements. Seul le risque de MVTE apparaissait augmenté pour le THM combiné. Ce dernier résultat pourrait potentiellement s’expliquer par le type de progestatif utilisé en Suède, essentiellement la noréthistérone ou l’acétate de médroxyprogestérone et très peu de progestérone naturelle. Or les méta-analyses publiées dans ce domaine montrent une neutralité de la combinaison estradiol par voie transdermique et progestérone ou dydrogestérone.

Cette étude a, comme toutes les études de croisements de registres, la force du nombre de femmes analysées et la bonne connaissance des traitements prescrits-achetés.

Mais elle comporte des limites, notamment ; - l’absence de prise en compte de certains facteurs de risque majeurs, - le manque de précision concernant la date du début de la ménopause ,- la notion de prise réelle des THM prescrits.



En conclusion

Cette étude confirme la tolérance cardiovasculaire médiocre de la Tibolone (déjà suspectée dans l’essai LIFT), et l’augmentation (à court terme) du risque cardiovasculaire des estrogènes utilisés par voie orale, probablement par des phénomènes thrombotiques rapides liés aux modifications de la coagulation. Elle confirme la neutralité de la voie transdermique pour l’ensemble des évènements cardiovasculaires. Cependant, le risque veineux de la voie transdermique combinée doit être mieux déterminer en tenant compte du progestatif associé dans cette étude.

Publié dans gynéco-online

 
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