Je suis interne de 5e semestre et me destine à la médecine d’urgence. Un événement que j’ai vécu récemment lors d’une garde aux urgences m’a incitée à faire ma thèse sur le syndrome coronarien chez les femmes. Depuis plusieurs années, cette pathologie n’a cessé de croître chez elles. Si les hommes sont bien pris en charge, les femmes sont en 2021 encore victimes d’un retard de diagnostic. Car les femmes et les hommes sont différents et les manifestations cliniques diffèrent selon les sexes.
Au cours d’une garde aux urgences, je rencontre Nicole, une femme de 80 ans orientée en filière courte pour des lombalgies. Une femme élégante, fréquentant pour la première fois un service d’urgence.
Elle m’explique que trois semaines plus tôt, elle a chuté en se prenant le pied dans son tapis. Lors de cette chute elle est retombée sur le dos et s’est cognée la tête contre le sol. Elle a présenté quelques douleurs dorsales mais celles-ci ont fini par s’atténuer. Elle n’avait pas consulté et s’était automédiquée avec des antalgiques. Mais les douleurs sont revenues et l’empêchent de dormir. Elle ne supporte pas d’être allongée, car elle se sent oppressée. Le paracétamol qu’elle a pris il y a quelques heures n’a aucun effet.
Je suis interpellée par cet intervalle de temps entre sa chute et les douleurs actuelles, qu’elle semble associer. Je pousse mon interrogatoire. Cette femme est très active, investie dans le milieu associatif, parfaitement autonome au quotidien. Elle me rapporte par ailleurs de l’hypertension artérielle et une dyslipidémie, toutes deux traitées.
Devant les symptômes et les facteurs de risques cardio-vasculaires présents, je décide de lui faire un électrocardiogramme. Il en ressort des anomalies, potentielles témoins d’un infarctus.
Nicole semble très surprise et me dit qu’elle ne fume pas, que c’est « mon mari qui fumait et avait des problèmes de coeur ». Le bilan biologique révèle un infarctus en cours d’évolution.
Cela fait déjà 3 heures que Nicole est entrée aux urgences et que les symptômes continuent à évoluer. Elle sera admise sur table de coronarographie plus de 7 heures après le début des symptômes… Il s’agissait bien d’un syndrome coronarien aigu. Nicole gardera comme séquelles des troubles de la contractilité cardiaque.
Cette expérience, loin d’être une histoire isolée, m’a fait prendre conscience des symptômes sournois et du manque de connaissance des femmes sur leur risque d’événement coronarien, qu’elles rattachent encore trop aux hommes.
D’où mon souhait de construire un projet de recherche pour comprendre plus précisément quel profil de femme doit nous alerter lorsque l’une d’elle franchit la porte des urgences.
Avec l’ambition d’améliorer encore chaque jour nos connaissances, nos pratiques et de rechercher d’éventuels symptômes ou facteurs prédicteurs d’événement coronarien dans la population féminine, je soutiens le fonds de dotation Agir pour le Coeur des Femmes et espère que mon travail sera promoteur de nombreuses idées pour renforcer la qualité de prise en charge des femmes dans nos services d’urgence.
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