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MEDECINE VASCULAIRE

La maladie veineuse thrombo-embolique : diagnostic et prise en charge

Le Dr Jean-François Renucci, médecin vasculaire au CHU de la Timone à Marseille et ambassadeur expert d’Agir pour le Cœur des Femmes, nous fait une mise au point très claire sur la prise en charge de la maladie veineuse thrombo-embolique. Il a soulevé les points forts de sa prise en charge à partir d’une série d’articles publiés récemment dans la Presse Médicale Formation sous la direction du Pr Gabrielle SARLON, Chef de Service de Médecine Vasculaire à Marseille (Presse Med Form 2023; 4: 162–163en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpmfor www.sciencedirect.com).

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La Maladie Thrombo-Embolique Veineuse (MTEV) représente une partie importante de la Médecine Vasculaire et comporte 2 aspects : La thrombose veineuse communément appelée « phlébite » qui correspond à l’obstruction d’une veine par un caillot et la migration de ce caillot dans la circulation pulmonaire qui représente la complication grave qu’est l’embolie pulmonaire.

1 - La maladie thromboembolique veineuse : diagnostic

La maladie veineuse thrombo-embolique (MTEV) est un enjeu majeur de santé publique puisque qu’elle représente le troisième syndrome cardio-vasculaire aigu le plus fréquent après l'infarctus du myocarde et l'accident vasculaire cérébral.
La MTEV est une maladie fréquente (1,57 / 1000 habitants en 2013) avec une augmentation au cours des 2 dernières années en lien avec la pandémie mondiale d’infection à Covid 19 et ce notamment lors de la 1ère vague s’élevant à plus de 20 % chez les patients hospitalisés en réanimation ou en soins critiques avec une nette surmortalité.
Elle s’exprime par deux principales formes distinctes : la thrombose veineuse profonde (TVP) ou superficielle (TVS) et l’embolie pulmonaire (EP).

Évaluation de la probabilité clinique -> une démarche diagnostique aujourd’hui bien codifiée

1. L’embolie pulmonaire (EP)


Les symptômes devant faire évoquer une EP sont principalement un essoufflement inhabituel et/ou une douleur thoracique de survenue brutale. Ces symptômes étant inconstants et peu spécifiques, de nombreux autres diagnostics peuvent être évoqués tels que l’infarctus du myocarde, la péricardite, le pneumothorax, la pneumopathie surtout en cas de fièvre ou la dissection aortique.
Devant cette liste de diagnostics, un contexte clinique doit être systématiquement recherché, notamment les facteurs favorisants la MTEV tels que les antécédents personnels ou familiaux de MTEV, la présence d’un cancer actif, un traitement par oestroprogestatifs, une grossesse active, une maladie inflammatoire évolutive ou une immobilisation prolongée dans les 3 derniers mois (chirurgie, voyage).
La démarche diagnostique a été détaillée dans les dernières recommandations de la Société Européenne de Cardiologie en 2019.

Si l’hypothèse d’une EP est suspectée, il est recommandé d’évaluer son niveau de probabilité avec un score validé qui permet de classer la probabilité clinique en 2 catégories : probable ou improbable.

2. La thrombose veineuse profonde

De même que pour l’EP, il est recommandé d’estimer la probabilité clinique par un score validé permettant de conclure à une probabilité clinique forte ou faible et guider les examens complémentaires.

Quels examens paracliniques et quand ?

1. Embolie pulmonaire


En cas d’EP improbable, il est recommandé de doser une substance retrouvée élevée lors d’une activation de la coagulation : les D-dimères afin d’exclure l’hypothèse d’une EP.
Il est à noter que de nombreuses causes peuvent être à l’origine d’une élévation des D-dimères telles que l’âge, la grossesse, le post-partum, les infections, les cancers, les maladies inflammatoires ou la chirurgie et autres traumatismes.
De ce fait, un taux élevé n’apporte pas d’élément déterminant pour le diagnostic alors qu’un taux normal permet d’exclure le diagnostic (valeur prédictive négative).
En cas d’EP probable ou lorsque les D-dimères sont supérieurs à la valeur seuil, il est recommandé de réaliser d’emblée un angioscanner thoracique qui est l’examen de référence.
En cas d’angioscanner « douteux », il est recommandé de poursuivre les investigations avec une échographie veineuse des membres inférieurs ou une scintigraphie pulmonaire, ou en renouvelant l’examen.

Si l’échographie veineuse est positive chez un patient avec une symptomatologie thoracique, il est recommandé de retenir le diagnostic d’EP. Si l’échographie veineuse est réalisée avant l’angioscanner thoracique, il est suggéré de ne pas poursuivre les investigations.

Les dernières recommandations de la Société Européennes de Cardiologie sur la prise en charge et le diagnostic de l’EP en 2019 préconisent l'évaluation du ventricule droit (qui peut subir une hyperpression brutale faisant la gravité de la pathologie) par une échographie cardiaque ou le dosage des biomarqueurs du fonctionnement du cœur.

En cas d’instabilité hémodynamique (état de choc, hypotension artérielle), il est recommandé de réaliser d’emblée un angioscanner thoracique si patient est transportable, le cas échéant une échocardiographie au lit à la recherche d’une dysfonction des cavités cardiaques droites.

2. Thrombose veineuse profonde

En cas de probabilité faible, il est recommandé de réaliser un dosage des D-dimères afin d’exclure l’hypothèse d’une TVP.
En cas de probabilité forte ou lorsque les D-dimères sont supérieurs à la valeur seuil (adaptée à l’âge après 50ans), il est recommandé de réaliser un écho-Doppler veineux complet du réseau veineux proximal et distal avec un test de compression : une veine normale peut se comprimer sans problème ; c’est l’incompressibilité qui fait le diagnostic. Si une simple échographie veineuse de compression proximale est réalisée et est négative, il est recommandé de réaliser un écho-Doppler complet dans 7 jours.




Évaluation pronostique d’une embolie pulmonaire

En cas d’état de choc ou d’hypotension artérielle définie par PAS < 90 mmHg ou une chute de la PAS > 40 mm Hg pendant au moins 15 minutes, le patient est identifié comme étant à haut risque de mortalité précoce et l’EP est qualifiée comme étant une EP grave avec un risque de mortalité de 10 %.

Conclusion

Le diagnostic de la MTEV repose sur différentes étapes qui débutent par l’évaluation de la probabilité de la survenue de la maladie via des scores. S’il existe une forte suspicion clinique les examens d’imagerie (angioscanner pulmonaire) seront réalisés en première intention et ce en l’absence de contre-indication et si l’état du patient le permet.
S’il existe une contre-indication à l’angioscanner pulmonaire, la scintigraphie pulmonaire doit être envisagée ainsi que la recherche d’une thrombose veineuse profonde associée. Une évaluation de la fonction du ventricule droit est recommandée par échographie et ce d’autant plus qu’il existe un état hémodynamique instable ne permettant pas la réalisation de l’angioscanner.
En revanche, si le diagnostic est peu probable la réalisation du dosage biologique des D-dimères est recommandée en première intention.
En cas de TVP, la recherche systématique d’une EP n’est pas recommandée en l’absence de symptômes.

Référence :
Approche et diagnostic de la maladie thromboembolique veineuse
L. Gey, B. Leclercq, S. El Harake, P. Suchon, G. Plu-Bureau, S. Cohen, A. Elias, P. Morange, G. Sarlon
Presse Médicale Formation – 2023.

Mots clés : Maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV), thrombose veineuse profonde (TVP), embolie pulmonaire (EP).

2 - La maladie thromboembolique veineuse : bilan

“ Lorsque des éléments, des détails, même anodins, reviennent régulièrement dans une enquête, il faut toujours les retenir, parce qu’ils dissimulent à coup sûr une signification profonde “.
Jean- Christophe Grangé.

Comme vu précédemment la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) regroupe deux entités cliniques que sont l’embolie pulmonaire (EP) et la thrombose veineuse profonde (TVP).
Il s’agit d’une maladie multifactorielle résultant de l’interaction entre des facteurs de risque acquis, environnementaux et génétiques.
L’âge, la présence de facteurs de risque transitoires, de signes évocateurs de cancer, une histoire familiale de thrombose et le caractère récidivant de la thrombose vont déterminer la nécessité de réaliser un bilan étiologique (c’est-à-dire la recherche d’une cause) et en orienter son contenu.

Un certain nombre de facteurs de risque de thrombose sont identifiés et classés en 4 catégories : transitoire majeur, transitoire mineur, persistant majeur et persistant mineur (Voir le tableau).

La MTEV est dite « provoquée » lorsqu’elle survient en présence de facteurs de risques majeurs permanents ou transitoires.
Une MTEV est dite « non provoquée » lorsqu’elle survient en l’absence de facteurs majeurs.

La détermination du caractère provoqué ou non d’une MTEV influence la réalisation d’un bilan étiologique mais permet d’apprécier le risque de récidive et donc la durée du traitement.

En effet le risque de récidive de la TVP non provoquée (ou dite spontanée) est estimé à 10 % au cours de la première année versus 3 % en cas de MTEV provoquée.

Le bilan étiologique est donc guidé par ce caractère provoqué, mais également par le caractère récidivant, la localisation de la thrombose, et /ou de l’existence d’une histoire familiale de MTEV.
Pour les patients présentant un épisode de MTEV provoqué par un facteur de risque transitoire majeur, la durée du traitement anticoagulant est de 3 à 6 mois. En cas de facteur de risque majeur persistant dans le temps, la durée du traitement peut être prolongée. Par exemple, la survenue d’une MTEV chez un patient avec un cancer actif va conduire à une poursuite du traitement anticoagulant tout au long de la prise en charge oncologique. Un cancer est dit « actif » en cas de maladie tumorale détectable, si un traitement anti tumoral est poursuivi (y compris un traitement hormonal), ou en l’absence de rémission de plus de 6 mois.

Chez les patients présentant un premier épisode non provoqué de MTEV, il est recommandé d’entreprendre une démarche étiologique, c’est-à-dire une recherche de la cause de la thrombose.

Rechercher un cancer non connu

Le bilan à réaliser à la recherche d’un cancer au cours de la MTEV est avant tout clinique.
Un cancer est présent chez près de 5 à 10 % des sujets présentant une MTEV et les sujets ayant un cancer actif ont un surrisque de survenue d’évènement thrombo-embolique veineux 4 à 7 fois plus important que la population générale.
Près d’un tiers des cancers non diagnostiqués sont cliniquement évidents lors du diagnostic de MTEV.
Le taux de diagnostic de cancer occulte est multiplié par 3 dans les 6 mois qui suivent l’évènement thrombo-embolique.
Les cancers les plus fréquemment diagnostiqués sont les cancers du poumon, digestifs, du sein et de la prostate.
Plusieurs études ont comparé un dépistage ciblé du cancer à un dépistage étendu après la survenue d’une MTEV dans l'espoir de réduire le délai diagnostic à un stade moins sévère et ainsi augmenter l’espérance de vie des patients. Ces études n'ont malheureusement pas montré d'amélioration des résultats avec un dépistage étendu, et ont conduit aux recommandations actuelles pour un dépistage limité du cancer chez les patients présentant une MTEV.
Quand rechercher un cancer sous-jacent ?
La recherche d’un cancer est donc indiquée en cas de MTEV inexpliquée.
La démarche diagnostique suivante est proposée :
1. Interrogatoire et examen clinique et paraclinique minimal :

- Effectuer un examen physique attentif
- Recueillir les antécédents de cancer personnels et familiaux
- Radiographie du thorax
- Bilan biologique comprenant : une numération formule sanguine, un ionogramme sanguin, un bilan hépatique standard et une évaluation de la fonction rénale.
- Répéter cette évaluation au cours des 6 premiers mois de suivi et orienter les investigations en fonction des éventuelles anomalies observées.

2. Mise à jour des dépistages généralisés et de santé publique recommandés :

Si non réalisés dans l’année précédant l’évènement thrombo-embolique :
- Réaliser un frottis chez toutes les femmes
- Une mammographie chez toutes les femmes à partir de 50 ans
- Un dosage du PSA (pour le cancer de la prostate) chez tous les hommes à partir de 50 ans
- Recherche de sang occulte dans les selles (test hémoccult).

Chez les patients avec une récidive non provoquée de MTEV malgré un traitement anticoagulant bien conduit : la recherche active d’un cancer occulte est indispensable avec la réalisation d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien (Scanner TAP) et /ou d’un scanner couplé à une scintigraphie (TEP Scanner).
Parmi les examens complémentaires, le scanner thoracique initial (pour le diagnostic d’embolie pulmonaire) et le scanner TAP ont montré la meilleure rentabilité à l’inverse de la radiographie thoracique, de l’échographie abdomino-pelvienne et de la recherche de sang occulte dans les selles.

Rechercher une thrombophilie

Des facteurs biologiques d’hypercoagulabilité peuvent être impliqués dans la survenue d’une MTEV ; on parle de thrombophilie (ou « tendance, plus grande facilitée à thromboser).
La thrombophilie biologique correspond à la présence d’un facteur de risque biologique constitutionnel ou acquis prédisposant à la MTEV.
Il est proposé que toutes ces anomalies qui majorent le risque de premier évènement thrombotique ne soient recherchées après la survenue d’un évènement thrombo-embolique veineux, TVP grave ou EP spontanée (ou chez la femme dans un contexte hormonal) que chez les patients âgés de moins de 50 ans et non systématiquement.
Chez les sujets de plus de 50 ans, ce bilan sera discuté lorsqu’il existe des antécédents familiaux documentés.


1- La thrombophilie constitutionnelle

Elle est caractérisée par la présence d’un déficit en certaines protéines (au nombre de 3) qui limitent la formation des caillots, ou par la présence d’une variation de deux facteurs de la coagulation (Facteur V ou Facteur II).

Parmi les thrombophilies constitutionnelles, les mutations de ces facteurs sont (sauf exception) des thrombophilies mineures qui n’augmentent pas le risque de récidive de manière cliniquement significative.
En revanche, ce risque est plus élevé et dit majeur dans les autres thrombophilies que sont les déficits.
Par chance, les formes graves que sont ces déficits sont les moins fréquentes alors que les mutations sont assez répandues (jusqu’à 10 % dans certaines populations).

2- La thrombophilie acquise

C’est une anomalie rare qui consiste en la présence d’anticorps (dits « anti-phospholipides ») et/ou d’un « anti-coagulant circulant » (ACC) correspondant au syndrome des anti-phospholipides (SAPL) qui favorisent notablement les thromboses y compris artérielles.
Il s’agit de la seule thrombophilie pour laquelle l’intérêt d’une anticoagulation prolongée a été formellement démontré. Le SAPL doit être recherché chez les patients de moins de 50 ans en cas de premier épisode de TVP proximale ou d’EP non provoqué ou de thromboses de siège inhabituel ou de MTEV récidivante.

Conclusion

Le bilan étiologique de la MTEV repose en premier lieu sur la recherche de facteurs favorisants majeurs transitoires ou permanents. En leur absence, lors d’un premier épisode : la recherche d’un cancer est indispensable avec la mise à jour des dépistages généralisés (cancer du sein, de col de l’utérus et du colon) mais également le dosage du PSA chez l’homme de plus de 50 ans.
En cas de récidive de MTEV sous traitement bien conduit les explorations complémentaires iront jusqu’au TDM TAP ou TEP-scanner.
Enfin, il est indispensable de recueillir les antécédents familiaux de MTEV qui guideront la réalisation du bilan de thrombophilie.

Les facteurs de risque de MTEV . Référenciel de Médecine Vasculaire 2022





Référence :
Bilan étiologique de la Maladie Thromboembolique Veineuse
S. El Harake, B. Leclercq, L. Gey, P. Suchon, G. Plu-Bureau, S. Cohen, A. Elias, G. Sarlon, P. Morange
Presse Médicale Formation – 2023.

Mots clés : Maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV), thrombose veineuse profonde (TVP), embolie pulmonaire (EP).


3 - La maladie thromboembolique veineuse : traitement

La prise en charge de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) repose principalement sur le traitement anticoagulant. Ce traitement doit être débuté le plus précocement possible une fois le diagnostic établi afin de stopper l’extension de la thrombose qui risque d’aggraver les choses. Ce traitement anticoagulant a beaucoup évolué au cours de ces dernières années avec l’arrivée sur le marché de nouvelles molécules : les anticoagulants oraux directs.

Différentes phases de traitement

Le traitement anticoagulant de la MTEV peut être divisé en trois phases distinctes :
D’abord la phase initiale de traitement (jusqu’à 10 jours) dans le but d’initier rapidement un traitement anticoagulant pour prévenir la propagation de la Thrombose Veineuse Profonde (TVP) et de l’embolie pulmonaire (EP),en limitant les complications hémorragiques mais également thrombotiques qui surviennent au cours des premières semaines.
Suivie de la phase de traitement principale (trois premiers mois) pour maintenir les niveaux thérapeutiques d’anticoagulation afin de prévenir la propagation de la TVP et de l’EP et de réduire le risque de récidive précoce.
Enfin la phase de traitement prolongée (au-delà de trois mois, sans date d’arrêt prévue) dans le but spécifique de réduire le risque à long terme de récidive de MTEV.
Après la période de traitement principale (trois mois), le risque de récidive varie en fonction des facteurs de risque. Un traitement anticoagulant prolongé peut être nécessaire pour des groupes de patients spécifiques présentant un risque élevé de récidive de MTEV.
Les modalités de traitement à la phase initiale et principale de la MTEV varient selon sa localisation, sa sévérité et les pathologies associées.

Pendant longtemps, la référence en matière de traitement anticoagulant était représentée par l’héparine. Elle s’administre soit en perfusion continue : héparine non fractionnée (HNF) soit pas des injections sous-cutanées : héparine de bas poids moléculaire (HBPM) 1 à 2 fois par jour.
Depuis plusieurs année les anticoagulants oraux directs (AOD) pris sont forme de comprimés ont pris une place prépondérante dans le traitement de la MTEV face aux classiques antivitamines K (AVK) Pour une efficacité « presque équivalente ». Ils ont moins de risque de saignements majeurs et sont beaucoup plus faciles à utiliser car ils ne nécessitent pas de surveillance régulière de la coagulation (le fameux INR - International Normalised Ratio - avec les AVK). Toutefois leur utilisation est problématique en cas d’insuffisance rénale sévère.





Traitement anticoagulant de l’EP associée ou non à une TVP
L’évaluation initiale doit déterminer le niveau de gravité (à l’aide d’un score pronostique) qui conditionne la thérapeutique :

1. TVP et EP à risque faible

Il s’agit de patients avec peu de comorbidités pour lesquels un traitement ambulatoire peut être organisé.
Les dernières recommandations européennes sur la prise en charge de l’embolie pulmonaire ont suggéré l’utilisation en première intention des anticoagulants oraux directs (AOD) en dehors de certaines situations particulières.
En France, 2 AOD sont disponibles et leur instauration ne nécessite pas d’anticoagulation parentérale préalable, mais d’une posologie majorée initialement pour être réduite quad le risque de récidive sera plus faible.

2. EP à risque intermédiaire

Dans ce cas l’anticoagulation initiale par une héparine par vois sous cutané (HBPM) est recommandée pendant les 48 à 72 premières heures. Le délai nécessaire pour débuter le relais vers un traitement anticoagulant oral tient compte de l’évolution clinique du patient.
3. EP à haut risque

Le traitement anticoagulant de première intention repose sur l’administration intraveineuse continue d’HNF en association à la « thrombolyse systémique » c’est à dire l’administration d’une substance supplémentaire qui va lyser (« faire fondre ») rapidement et le caillot. En cas d’échec ou de contre-indication à ce traitement, il peut être réalisé une embolectomie chirurgicale ou un traitement dirigé par cathéter ou le caillot est directement retiré du vaisseau.
Le délai nécessaire pour débuter le relais vers un traitement anticoagulant oral et l’utilisation des AOD tient compte de l’évolution clinique du patient selon les mêmes modalités que dans le cas précédent.

Traitement anticoagulant de la TVP isolée

Les thérapies médicamenteuses seront systématiquement associées à une thérapie de compression par des bas ou ses bandes de classe 3 (la plus forte) idéalement ou s’ils ne sont mal supportés par une classe 2. Leur introduction dès la phase aigüe de traitement permet une amélioration de la symptomatologie (œdème, douleur) dans les 7 premiers jours et de la qualité de vie à long terme ainsi qu’une réduction de l’obstruction veineuse chronique. Les traitements visant à réduire directement le caillot : thrombectomie chirurgicale ou mécanique, thrombolyse sur cathéter ou traitements endoveineux, sont d’indication exceptionnelle.
On pourra les discuter dans un centre expert en cas de thrombose extensive sévère ou de thrombose avec ischémie artérielle associée mettant en jeu le pronostic fonctionnel du membre. Si ces traitements montrent une meilleure perméabilité à court terme que les traitements anticoagulants classiques, leur effet sur la prévention du syndrome post-thrombotique n’est pas démontré.

Lorsqu’il existe un échec thérapeutique la posologie de l’anticoagulation doit être réévaluée, en tenant compte de la fonction rénale, du poids corporel du patient et du risque hémorragique.
Plusieurs modalités peuvent être envisagées : un changement de molécule d’anticoagulation (par exemple, le passage à l’HBPM si un anticoagulant oral est utilisé), la majoration de 25 % des doses d’HBPM ou l’augmentation des posologies des AOD ou le passage à des AVK avec une cible d’INR plus élevée.
Dans ce contexte il est nécessaire de réévaluer la présence d’une thrombophilie ou d’une néoplasie sous-jacente.
Les situations particulières :
1. L’insuffisance rénale sévère
La Société Européenne de Cardiologie ne recommande pas l’utilisation des AOD en cas d’altération sévère de la fonction rénale. Cependant des avis d’experts précisent qu’ils peuvent être utilisés avec précaution sans qu’une adaptation des posologies soit recommandée comme cela est le cas dans la fibrillation atriale mais une absence de preuves solides.
Seule l’héparine non fractionnée et les AVK peuvent être prescrits s’il existe une insuffisance rénale très sévère.
2. Le syndrome des anti-phospholipides (SAPL) :
Les AOD n’ont pas d’AMM dans cette indication et le traitement repose sur l’introduction d’AVK sous couvert d’HBPM jusqu’à l’obtention de 2 INR à 48h d’intervalle dans les cibles (entre 2 et 3).
3. La grossesse et allaitement :
La MTEV est 10 fois plus fréquente au cours de la grossesse dès les premières semaines et 25 fois plus fréquente dans les semaines qui suivent l’accouchement. Les AOD, les AVK et le Fondaparinux ne peuvent pas être utilisés lors de la grossesse en raison d’un passage de la barrière placentaire. Les HBPM sont recommandées pendant toute la grossesse et poursuivies 6 semaines après l’accouchement. Précisons que si la TVP survient moins de deux semaines avant la date du terme, les risques d’extension de la TVP et/ou de l’EP sont élevés. Par conséquent, l’accouchement programmé associé à l’utilisation d’HNF IV peut être préférable afin de minimiser la fenêtre sans anticoagulation.
4. Les thromboses veineuses superficielles (TVS) des membres inférieurs :
Il d’agit des veines superficielles, à l’origine des varices, qui peuvent également être victimes de thrombose. Une seule étude a montré un bénéfice pour traitement par Fondaparinux qui est un traitement injectable « proche » de l’héparine, pendant 45 jours lorsque la TVS mesure ≥ 5 cm de longueur et est située à ≥ 3 cm de la jonction avec les veines profondes.
Si la thrombose veineuse est située à moins de 3 cm du réseau veineux profond le traitement sera celui d’une thrombose veineuse profonde.

5. MTEV et cancer :
L’association entre MTEV et cancer est bien établie et de nombreux essais récents ont permis d’inclure les AOD dans la stratégie thérapeutique de la MTEV chez les patients atteints de cancer actif. Celui-ci est défini de façon non consensuelle soit comme une masse tumorale présente et/ou métastatique, ou récidivante, soit chez un patient ayant bénéficié d’un traitement oncologique dans les 6 derniers mois. Le choix thérapeutique dans la MTEV associée au cancer doit se faire idéalement en réunion de concertation multidisciplinaire afin de limiter les effets indésirables d’interactions potentielles entre le traitement anticoagulant et anticancéreux. Les AOD doivent être envisagé en alternative aux HBPM dans le traitement initial, principal et au long cours si le cancer n’est pas situé au niveau du tractus gastro-urinaire. Une HBPM sera préférée si la MTEV est sévère ou récidivante, s’il existe un facteur de risque hémorragique avec notamment des antécédents de saignement récent ou de pathologie gastro-intestinale susceptible de saigner ; s’il s’agit d’un cancer gastro-intestinal ou génito-urinaire, ou encore d’une tumeur ou de métastases cérébrales ou si une interaction médicamenteuse avec les AOD est possible et important. Le patient doit pouvoir également être acteur et prendre part à la décision finale qui reste cependant à la charge du médecin.

Référence :
Traitement de la maladie veineuse thrombo-embolique à la phase aiguë
B. Leclercq, S. Cohen, W. Radix, L. Gey, S. El Harake, P. Suchon, G. Plu-Bureau, , A. Elias, P. Morange,
G. Sarlon.
Presse Médicale Formation – 2023.

 
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