L’Organisation Mondiale de la Santé a lancé une alerte concernant les maladies cardio-vasculaires pour les 20 prochaines années (1). Contrairement à une croyance toujours tenace, elles concernent aujourd’hui aussi les femmes et ne sont plus réservées aux hommes. Chaque jour, elles tuent 200 femmes en France (2) et 25 000 dans le monde (1). De nombreux retards de diagnostic et de prise en charge sont liés à ce que les femmes ne se sentent pas concernées par ces maladies, qui sont de ce fait insuffisamment dépistées (3,4). Pourtant, 8 accidents cardio-vasculaires sur 10 sont évitables avec une information, une éducation à la santé et un dépistage dédié (5).
La mortalité cardio-vasculaire globale recule, grâce à l’efficacité de la médecine d’urgence, la réactivité des SAMU, la compétence interventionnelle des services hospitaliers. De fait, l’accident cardio-vasculaire fait moins peur en 2020. Nous imaginons guérir sans séquelle avec une simple angioplastie, une intervention chirurgicale, une ordonnance et des médicaments.
Malheureusement, la réalité est bien différente. Si la mortalité cardio-vasculaire globale a diminué depuis 20 ans, cette décroissance n’est pas homogène selon l’âge et le sexe. Si elle baisse chez les hommes quel que soit leur âge, une augmentation inquiétante est retrouvée chez la femme de moins de 55 ans. A âge égal, la mortalité hospitalière du syndrome coronarien aigu chez la femme est plus importante que chez l’homme. Cette différence se retrouve dans toutes les classes d’âge, mais plus la femme est jeune, plus la différence est importante. Il faut aussi prendre en compte que nombre de femmes survivant à l’accident cardio-vasculaire vont vivre en mauvaise santé, handicapées avec de l’insuffisance cardiaque, des séquelles graves d’accident vasculaire cérébral ou encore une démence vasculaire, les mettant en situation de vulnérabilité et de dépendance sociale (2).
Les préjugés vis-à-vis des maladies cardio-vasculaires chez les femmes restent majeurs et signifient concrètement de nombreuses pertes de chances. Le dépistage insuffisant des facteurs de risque et les symptômes souvent atypiques entrainent des errances diagnostiques avec des retards délétères dans les prises en charge (4,6).
Ils sont également liés au fait que les femmes sont impactées différemment dans leur vie quotidienne. Les femmes sont aussi victimes de leur émancipation sociétale, qui les a projetées dans une vie complexe, où elles cumulent vie professionnelle et responsabilité du foyer parfois, même dans une grande précarité financière ou affective. Ce qui les expose de plus en plus jeunes à une hygiène de vie délétère, terrain propice pour le développement précoce des maladies cardio-vasculaires.
Le tourbillon d’obligations professionnelles et familiales auquel elles sont confrontées chaque jour, les amène à ne pas trouver le temps de prendre soin d’elles. Elles ont tendance à négliger leurs symptômes et à retarder la prise en charge médicale, en repoussant sans cesse à plus tard la consultation salvatrice, qui intervient souvent trop tard. Elles en paieront pour certaines le prix fort, victimes d’un arrêt cardiaque inaugural non récupéré, d’un premier infarctus massif avec insuffisance cardiaque irréversible, d’un accident vasculaire cérébral avec lourdes séquelles motrices ou intellectuelles.
Un cortège de malfaiteurs pour le cœur et les artères va ainsi se mettre en place au fil des annnées et créer une synergie destructrice, mettant en danger les femmes de plus en plus jeunes (7) : tabac, stress psycho-social, précarité, sédentarité, surmenage, alimentation déséquilibrée, surpoids, obésité, diabète… Les risques hormonaux spécifiques vont s’y ajouter : contraception inappropriée, grossesses de plus en plus tardives, endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, ménopause…
Ces facteurs de risque peuvent pourtant être évités dans la plupart des cas, à travers une éducation à la santé et un dépistage aux différentes étapes de la vie hormonale (3,4,6). Il faut absolument garder à l’esprit qu’à âge égal, les femmes ont davantage de facteurs de risque que les hommes, avec un impact artériel plus délétère chez elles (4,6).
Certaines femmes seront aussi exposées à une double peine. Après avoir eu un cancer du sein, une fois guéries et n’ayant pas de suivi cardio-vasculaire formalisé, elles risquent l’accident cardiaque. Elles sont en effet plus sensibles que les hommes aux effets secondaires de la radiothérapie et de la chimiothérapie (6). Il est important de leur proposer, au travers de parcours de soins cardio-gynécologiques, une prise en charge complète incluant un suivi cardiologique (6,8).
Il est essentiel de mieux comprendre les spécificités des maladies cardio-vasculaires chez les femmes, d’adapter les traitements à leur physiologie et à leur pharmacodynamie, d’organiser des dépistages aux trois phases de leur vie hormonale (contraception, grossesse, ménopause), de favoriser une recherche spécifique, d’allier tous les moyens disponibles pour que toutes les femmes aient le même niveau d’information et des soins de qualité.
Pour agir avant qu’il ne soit trop tard. (3,4,6,8).
Bibliographie
1- OMS mai 2018. Les 10 principales causes de mortalité dans le Monde: https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/the-top-10-causes-of-death.
2- Causes de mortalité en France. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, novembre 2019
https://www.santepubliquefrance.fr/docs/bulletin-epidemiologique-hebdomadaire-12-novembre-2019-n-29-30-surveillance-de-la-mortalite-par-cause-medicale-en-france-les-dernieres-evolutions.
3- Mosca L, Benjamin EJ, Berra K, Bezanson JL, Dolor RJ, Lloyd-Jones DM, et al. Effectiveness-Based Guidelines for the Prevention of Cardiovascular Disease in Women—2011 Update A Guideline From the American Heart Association. J Am Coll Cardiol. 2011;57(12):1404‑23.
4- Woodward M. Cardiovascular Disease and the Female Disadvantage Int J Environ Res Public Health. 2019 Apr; 16(7): 1165.
5- OMS mai 2017. Maladies cardio-vasculaires. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/cardiovascular-diseases-(cvds).
6- Maas A.H.E.M. Manual of gynecardiology. Female-specific cardiology.Editions Springer. 2017.
7- Gabet A, Danchin N, Olié V. Myocardial infarction in women: trends of hospitalization and mortality rates, France, 2002-2013. Bull Epidemiol Hebd. 2016;(7-8) : 100-8.
8- Brown HL, Warner JJ, Gianos E, Gulati M, Hill AJ, Hollier LM, Rosen SE, Rosser ML, Wenger NK; American Heart Association and the American College of Obstetricians and Gynecologists. Promoting Risk Identification and Reduction of Cardiovascular Disease in Women Through Collaboration With Obstetricians and Gynecologists: A Presidential Advisory From the American Heart Association and the American College of Obstetricians and Gynecologists. Circulation. 2018 Jun 12;137(24):e843-e852.
Les maladies cardio-vasculaires sont devenues la principale cause de décès chez les femmes dans le monde, mais elles restent sous-étudiées, sous-reconnues, sous-diagnostiquées et enfin sous-traitées. Des faits établis En 2021, une grande revue médicale (The Lancet) a publié un document [...]
Les précautions restent simples : entraîner régulièrement son muscle cardiaque, avoir une alimentation saine, éviter le tabac, être à l'écoute de son corps, mesurer régulièrement sa tension artérielle et consulter au premier signal d'alerte. En effet, il ne faut pas négliger les [...]
Le stress augmente significativement le risque d'infarctus ou d'AVC. Chronique, il favorise les dépôts de plaques d'athérome dans les artères et les troubles du rythme cardiaque. Aigu, il peut provoquer un tako-tsubo ou syndrome du cœur brisé... Le cœur des femmes est encore [...]