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Prescription des statines en prévention primaire : de grandes disparités en fonction du mode de calcul du risque

Le Dr Jean-François Renucci, médecin vasculaire au CHU de la Timone à Marseille et ambassadeur expert d’Agir pour le Cœur des Femmes nous fait le point sur la place des statines en prévention primaire.

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La prescription des statines, médicaments majeurs pour la réduction du risque cardio-vasculaire (RCV) repose comme pour beaucoup de traitements sur des Recommandations. Celles-ci se basent à juste titre sur l’estimation du niveau du Risque cardio-vasculaire (RCV) Or, il existe plusieurs manières d’évaluer ce RCV et la prescription d’un traitement dépend d’un seuil déterminé différent pour chaque méthode de calcul.
Une étude a comparé les 4 méthodes les plus souvent utilisées en Amérique du Nord et en Europe pour l'identification des patients justifiant l'utilisation d'une statine.

Les méthodes choisies
Tous les méthodes de calcul prennent en compte le sexe, l’âge, le cholestérol total, le cholestérol HDL, le tabagisme et la tension artérielle systolique. Seuls certaines considèrent l’ethnie (par exemple hispanique ou noire), le traitement de l'hypertension, le traitement de la dyslipidémie ou les antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire prématurée. Comme on estime que la plupart des patients diabétiques justifient un traitement par statines, ce point n'a pas été étudié dans cette analyse.
Le tout permettant de classer les sujets en risque faible, intermédiaire ou élevé

Résultats
Les taux de concordance d’estimation des risques entre les différentes méthodes présentent une très large fourchette comprise entre 19 % et 85 %. !
Seul SCORE 2, versions à risque élevé et à risque très élevé a identifié des proportions égales d'hommes et de femmes à risque élevé.
Discussion
Avec plusieurs méthodes validées et largement utilisées, il existe une variabilité marquée dans les recommandations pour l'utilisation des statines pour les patients à haut risque en prévention primaire. Même si les femmes devraient présenter un risque plus faible que les hommes, les tendances observées montrent une disparité très marquée dans le traitement pour les femmes, même avec le même profil de facteurs de risque. Seules les versions SCORE 2 recommandées pour les régions à risque élevé et très élevé identifient un nombre presque égal d’hommes et de femmes pour le traitement par statines en prévention primaire.
Les grandes études qui ont établi l'efficacité des statines en prévention primaire n'ont pas utilisé de calcul de risque pour identifier les sujets éligibles et il est bien reconnu que les avantages des statines s’étendent même aux patients à faible risque, ce qui remet en question davantage la validité d’un calcul pour guider la prescription du traitement.Cependant, il a été avancé que le bénéfice du traitement des populations à faible risque conduirait à traiter un nombre excessif de personnes et donc à un rapport coût-efficacité moindre.
Il faut reconnaître que de nombreux médecins trouvent les « algorithmes » fastidieux et ne les utilisent pas du tout, contribuant ainsi aux divergences internationales et même locales dans les recommandations relatives aux statines en prévention primaire et au « sous-traitement » potentiel.
Dans ces circonstances, de nombreuses recommandations proposent l’utilisation d’autres facteurs et tests qui ne sont pas quantifiés dans le calcul de risque. Il existe un certain degré de consensus concernant la Lipoprotéine a comme facteur aggravant le risque, les options sont par ailleurs très diverses, allant de l'obtention du score calcique (CAC) : coupe radiologique en scanner quantifiant les calcifications des artères coronaires, également la recherche de plaques sur les artères carotides, à la simple réévaluation des antécédents familiaux. Par ailleurs, une discussion patient-médecin sur un traitement à long terme est justifiée chez les patients ayant un taux de cholestérol-LDL supérieur à 1,35 g/l et également chez ceux ayant un taux plus faible mais qui présentent les facteurs de risque supplémentaires comme le diabète, l’hypertension artérielle, une maladie rénale chronique ou divers facteurs aggravant le risque y compris le prédiabète, un syndrome métabolique et les antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire prématurée.
D’autres sociétés ont indiqué qu’un taux de cholestérol LDL optimal en prévention primaire devrait être d’environ 1g/l.
Si un patient donné ne correspond pas à ce profil, ou si la discussion patient-médecin suggère des inquiétudes concernant le traitement chronique par statines, alors une deuxième étape basée sur des méthodes d’évaluation du risque pourrait être envisagée pour enrichir davantage la discussion.
Cette prochaine étape pourrait inclure des calculs de risque calculés sur toute la vie, et intégrant des éléments ayant un impact sur le risque cardiovasculaire (par exemple, facteurs socio-économiques, appartenance ethnique) et d'autres modificateurs de risque. .

En conclusion
Le processus d’estimation du niveau de risque comme première étape pour déterminer la prescription des statines en prévention primaire conduit à une hétérogénéité marquée et diffère considérablement selon la méthode utilisée dans l’estimation du risque.
Dans le contexte, la plupart des méthodes identifient systématiquement les candidats au traitement qui sont majoritairement de sexe masculin, d’âge avancé et étant hypertendus et/ou fumeurs. De forts antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire prématurée et l’intégration de facteurs de risque supplémentaires et/ou nouveaux (par exemple, le statut socio-économique et des facteurs de risque biologiques comme ceux liés à l’inflammation pourrait contribuer à limiter les discordances.
Finalement, c’est le modèle SCORE 2 qui s’avère être le plus performant pour prédire qui aura besoin et bénéficiera la plus d’un traitement.
Bonne nouvelle puisque c’est celui que conseille les Recommandations Européennes !
(Il est vrai que c’est leur modèle…)

Au total, la décision de traitement ne saurait dépendre d’un seul paramètre mais bien de la prise en compte de l’ensemble de la situation et du bon sens clinique permettant une discussion dite « éclairée » entre le médecin et son patient.

Référence
Mancini G. B. J. et al. Recommendations for statin management in primary prevention: disparities among international risk scores. European Heart Journal, 28 August 2023.

 
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